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Télétravail : le crible de la qualité de vie au travail

lundi 3 novembre 2025, par Xena

L’arrivée d’Op@le change un peu la donne dans les établissements. Si le secrétaire général reste un peu coincé entre son logement de fonction et les fuites du bâtiment D pour s’émanciper de son travail présentiel, il va en aller de plus en plus différemment pour les équipes d’agence comptable. La législation nous accompagne dans ce sens : les agents ont désormais la possibilité de télétravailler jusqu’à trois jours par semaine.

La guerrière a quant à elle plus de quinze ans d’expérience de la chose, du côté obscur de la force (le privé), aussi bien en tant que télétravailleuse qu’en tant que télé-encadrante. Elle vous livre aujourd’hui quelques axes de réflexion et quelques clés pour pouvoir mettre en place de manière éclairée, dans votre service, cette pratique qui peut relever parfois du miroir aux alouettes.

Mais j’ai fait très fort néanmoins : il m’aura fallu plus d’un an de procrastination pour vous proposer ce premier opus sur les conditions de télétravail. Promis, j’irai plus vite pour livrer un second article sur le télémanagement !

Le télétravail dans la fonction publique est plus ou moins né avec la crise Covid ; du moins, il s’est généralisé à cette période. Il en ressort donc que :

  • du fait de sa nouveauté — surtout en EPLE où GFC n’a pas aidé à le développer —, nous avons encore peu de recul sur ses qualités et ses défauts au quotidien
  • le fait qu’il ait été mis en place sur une période de travail dégradé, limitée dans le temps, ne nous a pas nécessairement permis d’appréhender toutes les conditions requises à sa mise en œuvre efficace en tant que mode de travail pérenne et régulier. [1]

Le télétravail se conçoit comme une avancée sociale majeure pour de nombreux agents :

  • moins de trajets longs, pénibles ou les deux, pour assurer ses heures de travail donc moins de fatigue, mais également la possibilité d’aller travailler plus loin, et donc disposer d’une plus grande mobilité sans pour autant augmenter son bilan carbone, son budget et le temps de trajet total (certes, ça ne change rien pour les gestionnaires logés) ;
  • davantage de flexibilité dans l’organisation de sa journée de travail, permettant aussi de meilleurs équilibres ;
  • davantage d’autonomie [2] dans son organisation et l’agencement de son espace de de travail ;
  • une qualité de vie au travail accrue par tout ce qui a déjà été énuméré, et donc a priori une motivation redynamisée.
    Ça, c’est la théorie gentillette, qui a eu son heure de gloire avec les bermuda-tongs de la tech dans les années 90 à 2000, avec des tâches très conceptuelles, faiblement impactantes au quotidien sur l’usager ou d’autres services.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore capables de mesurer finement les effets collectifs et personnels du télétravail dans nos administrations. Ce que j’ai pu constater, c’est qu’il est l’un des facteurs les plus cités, mais aussi les plus observés par la communauté sanitaire, des risques de burn-out, bore-out ou brown-out - toutes ces formes d’épuisement professionnel : être « out of the office » peut vous conduire à être « out » tout court.

C’est donc sur cette dimension que porteront mes deux articles. En fait, je peux reprendre chacun des points évoqués comme un avantage ci-dessus et vous démontrer qu’il s’agit d’un danger. Dans ce premier article, je vais donc traiter des conditions de télétravail.

Le premier enjeu, c’est l’allongement des journées de travail

Le télétravail, c’est le travail sans la soupape des transports. Or, dans les faits, il apparaît que les personnes en télétravail utilisent le temps ainsi gagné non pas à des fins personnelles ou familiales, mais bien professionnelles. Elles travaillent naturellement plus longtemps.

D’autres limites sont également floutées. Ainsi, si le code du Travail interdit de prendre ses repas sur son poste de travail, qu’en est-il en télétravail à domicile ? Quels sont les garde-fous qui empêcheraient un salarié de manger les restes de son frigo, passés au micro-ondes, devant son écran d’ordinateur ? Il n’y en a pas. Et dans les faits, c’est ce qui se passe.

Imaginons maintenant une mère de famille qui veut travailler le mercredi en décalé pour s’occuper des devoirs de ses enfants. Elle commence à 8:00 du matin et termine à 12:00 pour aller les chercher à l’école, reprend à 18:30 — après le poney et le dîner— et travaille jusqu’à 21:30 pour les nourrir. Ça fait sept heures de travail, c’est parfait ? Eh bien non !

Deux principes achoppent :

  1. Le décret d’organisation du temps de travail dans la fonction publique établit qu’une journée de travail ne doit pas dépasser 12 heures d’amplitude.
  2. Les dernières décisions des prud’hommes vont dans le sens que tout message envoyé à un autre agent en dehors de ses heures de travail peut être considéré comme une contrainte morale, qui peut être requalifiée de harcèlement dès le second message. Il vous suffit de lui envoyer son planning de la semaine à 14 h puis d’émettre une modification une demi-heure plus tard pour que vous deveniez un "harceleur".

Environ un français sur cinq consulte sa messagerie le soir, et à peu près la même proportion - il s’agit sûrement des mêmes - le fait aussi pendant la fin de semaine.

La conclusion naturelle sur cette dimension est la suivante : en EPLE, vous avez la chance d’avoir des emplois du temps (EDT) très précis. Intégrer le travail hybride à ces EDT en ne fait varier qu’à la marge les journées télétravaillées. Il s’agira de commencer à 8:00 au lieu de 7:30, ou peut-être de s’accorder une pause méridienne d’une heure au lieu d’une demi-heure. Quoi qu’il en soit, gardez le rythme et validez les horaires « à la maison » via un EDT solidement construit, et tenez vous-en à des échanges à l’intérieur de cette plage de temps.

Une autre solution, pour ceux qui ont des horaires moins fixes (et c’est désormais mon cas), consiste à adopter le "bonjour" matutinal et le "à demain" vespéral sur messagerie instantanée. Certes, ça occupe inutilement de l’espace serveur et ce n’est donc certainement pas bon pour la planète, mais c’est la solution que j’ai retenue avec mes collaborateurs pour que chacun sache que tout le monde est à son poste.

Le deuxième enjeu, ce sont les conditions de travail

Si vous télétravaillez de manière exceptionnelle, alors peu importe le poste de travail. Vous y arriverez. Ainsi, vous avez certainement tous deux écrans au bureau pour travailler sous Op@le, mais n’avoir qu’un mini-écran sur un PC portable, sans souris ni clavier externes, lors des formations à la DSDEN ne vous a pas posé tant de souci que ça.
Cependant, travailler efficacement de manière régulière et sur le long terme à la maison passe aussi par l’utilisation d’un matériel équivalent à celui de son lieu de travail. Là encore, tout est prévu au niveau du code du Travail et de son adaptation à la fonction publique :
L’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. L’employeur n’est pas tenu de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail.

Niveau hardware...
Dans nos structures particulières et financées encore plus particulièrement, il serait injuste de faire porter le coût de cet "éventuel" double équipement à la collectivité de rattachement. C’est pourquoi l’équipement unique en PC portable doit être sérieusement discuté avec la DSI/DNE et le service informatique territorial. La première qui sera forcément d’accord, les services déconcentrés, sont déjà équipés depuis 2022 au moins, et cela ne lui coûtera pas un centime ni à l’achat ni à la maintenance.

La deuxième pourrait être réticente s’il s’agissait d’un double équipement. Mais la solution retenue par le ministère, et qui peut et doit faire des émules dans les EPLE, c’est celui de la station de charge (docking station, pour les aficionados). Attention aux stéréotypes sur cette question aussi : cette station ne ressemble plus du tout au gros boîtier plat, perché sur le bureau sur lequel on enfichait son PC. Ce sont de simples concentrateurs à peine plus gros qu’un téléphone portable, et sur lesquels d’un simple branchement en général en USB-C vous avez accès à toute la puissance de votre portable, tout en gardant vos deux écrans, votre souris ergonomique et votre clavier sans fil. Cet équipement coûte une petite centaine d’euros pour les plus sophistiqués, donc même si la CT était réticente, l’établissement pourrait se le permettre.

Niveau soft...
Pour les logiciels et les enjeux de communication, c’est encore plus simple. Puisque tout est lié à un seul équipement, donc à un seul "poste de travail", vous avez accès à la maison à toutes les licences comme au bureau. Certaines exigent un VPN comme notre cher Op@le ? Qu’à cela ne tienne, les clés OTP sont désormais disponibles de manière virtuelle sur téléphone portable. Et qui dit téléphone portable dit qu’il faut équiper vos collaborateurs de ces appareils et ne plus se reposer sur le fait qu’ils ont déjà un abonnement perso. Pour moins de deux cent euros, vous avez cet équipement, la ligne mobile vous coûtera progressivement moins cher que d’entretenir une ligne fixe. Alors vraiment, faites le pas !

Et à la maison...
Ce qui a été présenté ci-dessus est normalement la limite des équipements techniques dus par l’employeur. Le reste sera considéré comme faisant partie du confort et sera donc normalement à votre charge. Et cela vaut pour au moins les trois périphériques écran-clavier-souris.

À mes yeux, l’usage d’au moins un grand écran est vraiment un confort une fois chez soi en télétravail. Mais avant d’avoir réussi à en récupérer un au bahut, dans le stock des écrans-qui fonctionnent-mais-ne-conviennent-plus-dans-la-salle-de-Monsieur-Truc, vous avez plusieurs options dont celle du miracast (diffusion en miroir) disponible sur tous les poste de télévision récents. Elle permet de connecter votre portable au téléviseur mais également de très nombreux écrans, en wifi direct, par une simple combinaison de touche.

S’équiper d’un clavier de taille normale et d’une vraie souris est également un grand soulagement, surtout pour les plus vieux d’entre nous. J’avoue qu’utiliser le clavier de mon ultraportable et le pad intégré serait suffisamment agaçant pour me faire renoncer au télétravail. J’ai un clavier et une souris roses… Passque, picétou.

Pour relier tous ces équipements et ne plus avoir qu’un branchement à faire à la maison, vous pouvez également vous doter d’un concentrateur qui fera office de station d’accueil.

Les prix oscillent de moins de 10 € à environ 100 €. Ce qu’il faut, c’est surtout avoir tous les ports que vous souhaitez, notamment pour votre écran. J’ai opté pour une solution à 30 €, mais je dois encore connecter mon écran à part. Ce n’est pas vraiment un inconfort non plus… Ça vaut une petite économie.

Mais en parlant d’économies…
Évidemment, il parait absurde de se dire que l’on dépense de l’argent personnel pour un usage professionnel. Certes. Mais avant 2016, il était également difficile de s’imaginer qu’un fonctionnaire pourrait un jour ne venir que deux ou trois jours par semaine dans son administration pour privilégier le travail à domicile. On n’a rien sans rien.

Mais même à ce sujet, l’administration est plutôt prévoyante. Le décret n° 2021-1123 du 26 août 2021 portant création d’une allocation forfaitaire de télétravail au bénéfice des agents publics permet ainsi de bénéficier d’une compensation aux frais que vous pouvez avoir du fait de travailler chez vous. Pour les personnels logés, c’est compliqué à faire valoir si vous bénéficiez de prestations accessoires sur vos fluides. Mais dans le principe, c’est ça : vous compensez un peu d’électricité pour faire tourner votre PC, un peu de gaz pour vous chauffer, un peu d’eau pour les toilettes. L’allocation versée trimestriellement vous permet aussi de prendre en charge certains des faux frais engagés par l’équipement personnel.

Concrètement, l’arrêté actuel prévoit 2,88 € de compensation par jour de télétravail dans la limite de 71,50 € par mois. Cette compensation est versée trimestriellement.

Et pour l’environnement...
Cette question est plus pernicieuse. Elle dépend de chacun d’entre nous mais il existe néanmoins de grands principes se dégagent : votre esprit ne doit pas être en proie à davantage de « bruits extérieurs » qu’il ne le serait au bureau. Ainsi, on évitera :

  • de travailler dans un espace encombré
  • de travailler avec les animaux domestiques dans les pattes. Le chien qui dort sous le bureau, ça va encore. Le chat qui passera systématiquement la queue devant la caméra quand vous êtes en visio, moins.
  • de travailler dans un espace que les autres membres de votre foyer occupent également. Cela vaut en termes de spatialité comme de temporalité. Ainsi, lorsque je me déplace dans ma maison pendant mes heures de télétravail, je le fais avec mon badge professionnel autour du cou : je ne suis pas disponible, on ne hurle pas dans l’escalier pour que je vienne déboucher l’évier ou faire cuire des nouilles, je ne peux pas valider la commande en ligne depuis mon PC, etc.
  • de travailler dans un espace trop exigu, trop sombre, etc. Vous n’aimeriez pas être "mis au placard" au bureau, ne le faites pas chez vous non plus.

Voilà ! Vous pouvez sauter le pas. N’oubliez pas néanmoins que le télétravail est une nouvelle forme d’organisation et qu’il demande de nouveaux outils de management également… Et ça, on en parle dans mon prochain article.


Voir en ligne : Autoformation express sur le télétravail (Magistère)

Portfolio


[1J’ai eu comme question pour l’entretien sur le poste que j’occupe actuellement : "Vous avez besoin de telle information et la collaboratrice qui a la charge du dossier est en télétravail, que faites-vous ?" Je vous invite à réfléchir à ce qu’aurait été votre toute première réponse, par réflexe, puis à votre réponse finale...

[2Avec le bémol majeur pour moi du syndrome de la poule et de l’œuf : est-ce que c’est le télétravail qui génère de l’autonomie ou l’autonomie qui permet le télétravail ?

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