Encadrement, représentation, technicité, conception
Voilà le 4 cylindres qui doit ronronner dans la poitrine de chaque adjoint gestionnaire, et même de chaque cadre A de la Fonction publique. Votre définition des quatre termes est-elle parfaitement claire ? Une tentative de rapide résumé par les activités concrètes :
- encadrement : mettre au travail une équipe administrative et une équipe ouvrière, en sorte que chacun y donne le meilleur de ce qu’il sait faire, de manière durable (en particulier les personnels doivent être suffisamment satisfaits de leur sort pour avoir envie de rester)
- représentation : parler au nom de l’institution, que ce soit devant le CA, en dialogue de gestion avec la CT ou le rectorat, si vous prenez la parole à un conseil de discipline, ou même dans une conversation informelle avec un parent d’élève
- technicité : maîtriser un nombre important de gestes professionnels ignorés du grand public, comme ceux qui se succèdent lors de l’achat un four vapeur 20GN pour la cuisine (établir le besoin avec l’équipe de cuisine, publier une demande de devis sur l’AJI, préparer puis animer la commission qui prendra la décision, passer commande, faire préparer les attentes en sachant ce que veut dire une puissance électrique de 40kW/h, superviser la livraison qui devra traverser le hall etc., s’inquiéter du devenir de l’ancien four, liquider et payer, inscrire le bouzin à l’inventaire...)
- conception : faire évoluer l’environnement professionnel des équipes, porter des projets parfois innovants au moins localement, ne pas subir les évolutions réglementaires mais s’en saisir pour améliorer le service
Le principal angle d’attaque de cet article : il faut assurer un équilibre entre les quatre, sinon le moteur déraille, il y a du cliquetis. Ce traitement par l’absurde, en le plaquant sur les quatre domaines, donne :
Abandonner le terrain de l’encadrement, ce serait...
- si l’on n’arrive même pas à représenter l’institution et avoir un peu d’autorité devant les membres de sa propre équipe, comment le faire avec l’extérieur !?
- dès que la quantité de travail devient un tout petit peu importante, toute la technicité du monde ne vaut rien si l’on est le seul à faire le job et que l’on n’arrive pas à faire confiance/élever le niveau de compétence de son équipe
- aucune chance de pousser des projets si même le travail quotidien n’est pas correctement distribué entre les personnes
Abandonner le terrain de la représentation, ce serait...
- mettre en péril sa crédibilité devant l’équipe que l’on encadre, ou la mettre en danger en contraignant, pour satisfaire les besoins incompressibles, les collègues à faire ce travail à votre place sans y être préparés
- faire dériver la technicité vers l’auto-satisfaction, en oubliant que la plus belle ouvrage n’acquiert de prix que si l’on sait la mettre en valeur
- rendre impossible la conception et la conduite de projets, qui se pratiquent dans le collectif et exigent une communication soignée
Abandonner le terrain de la technicité, ce serait...
- se discréditer aux yeux de ceux que l’on encadre
- ne pas être à l’aise en représentation puisque la moindre question un peu pointue peut laisser apparaître que vous ne savez pas de quoi vous parlez
- s’interdire la possibilité de la conception, puisqu’on manque de précision dans la compréhension des systèmes
Abandonner le terrain de la conception, ce serait...
- se retirer les chances d’améliorer l’efficacité et les conditions de travail de l’équipe que l’on encadre
- limiter drastiquement les messages que l’on peut porter en représentation
- aboutir nécessairement un jour ou l’autre à se rendre compte que, faute d’une remise en question, la plus belle technicité du monde est surtout une vieille pratique plus du tout en phase avec les besoins du moment
Les quatre compétences s’étayent mutuellement
Pour retourner la démonstration dans l’autre sens, positif cette fois :
- il est d’autant plus facile d’encadrer
- que l’on est à l’aise dans le rôle de représentation, pas gêné de parler au nom de l’institution (l’encadrement c’est pas un deal entre copains, c’est un jeu de rôles)
- que l’on est crédible techniquement
- que l’on peut emmener loin ses équipes dans des projets et des revues de processus
- il est d’autant plus facile de représenter l’institution
- que l’on sait que les personnels suivent et ne diront pas ou feront pas l’inverse de ce qui est dit en public
- que l’on maîtrise techniquement son sujet
- que l’on mène des efforts pour dépasser la routine et améliorer le service rendu et son efficience
- il est d’autant plus facile de s’épanouir dans l’expertise technique
- que l’on apprend des travaux d’une équipe dont on sait obtenir tout le potentiel
- que l’on pourra ensuite la vulgariser auprès des usagers, des partenaires
- qu’elle trouvera à s’appliquer dans des projets sortant de la routine
- il est d’autant plus facile de s’appliquer à la conception
- que l’on est suivi par les équipes
- que l’on sait communiquer
- que l’on est au point sur la technique
Ça va, ça rentre !? ;-)
Sur le terrain : les collègues qui se plantent
Tous les collègues en difficulté, coachés ou même seulement observés par l’IZ depuis deux décennies connaissaient un déséquilibre dans leur investissement professionnel. Je repense à cet agent comptable débutant mais anciennement fondé de pouvoir aguerri, qui s’est trouvé à encadrer une équipe pas du tout formée en technique par son prédécesseur. Le prédécesseur ne faisait pas de conception et n’avait pas remis en question ses pratiques notamment au fil de l’évolution du poste ; mon copain n’a pas voulu entrer dans l’éthique de l’encadrement en pensant à haute voix que les membres de l’équipe n’étaient "pas compétents". Dans les deux cas, un terrain dégradé, un poste épuisant, leur avait servi de prétexte à laisser libre cours à leurs mauvais penchants naturels. Ça a donné une catastrophe d’autant plus pénible que détectée des mois à l’avance.
Si vous êtes dans des conditions pénibles, vous devez d’autant plus activement vérifier que vous ne lâchez pas prise sur l’une des quatre compétences. On a vite fait de s’enfermer dans une zone de confort !
Pour continuer mes listes idiotes, imaginez ces caricatures
- le collègue petit chef qui ne fait plus rien d’autre que cheffer, ne s’intéresse pas à ce qu’il y a dans la compta, est nul quand il faut s’adresser à l’extérieur et n’a jamais imaginé dépasser le cadre étroit dans lequel il en fiche le moins possible
- le collègue beau-parleur, constamment en train de faire la roue devant un auditoire, mais qui se fiche de son équipe, de ce qu’elle fait, et a surtout pour projet de se faire mousser
- le collègue perfectionniste en comptabilité et/ou en gestion matérielle, qui du haut de sa perfection n’a que mépris pour les personnels d’exécution qui font un travail de bovin, pour les gens qui de toutes manières ne peuvent pas comprendre la précision et l’élégance de leur geste professionnel, et pour tout ce qui pourrait remettre en question cette belle horlogerie, dont on se rend souvent compte qu’elle a deux décennies de retard
- le collègue toujours perdu dans sa nouvelle marotte qui va tout révolutionner, sans chercher à savoir si les personnels vont même approcher à quoi ça peut servir, pas trop impliqué pour en parler au reste du monde et qui en fin de compte ne met pas non plus les mains sous le capot
Caricatures ? J’ai mis un ou plusieurs noms sur chacune. Si on se connaît et que vous vous reconnaissez : vous vous trompez, j’ai une bien meilleure opinion de vous que ça !